
Luisa Pinto
En peinture ce qui m’intéresse c’est la recherche de la matière de ses diverses utilisations. Par exemple et selon la représentation, à quel moment y aura-t-il une coulure, un aplat de couleur particulière, un enfermement de la forme avec un trait noir.
Dans la matière ce qui est important c’est la couleur. Effectivement, leur dialogue sur le support me parait tellement riche. Les possibilités dans la combinaison et l’effet sont infinies qu’elle représente le choix de l’artiste avec ce qu’il lui est mis à disposition ; cela est très précieux.
Matisse me parle dans l’utilisation du modèle d’abord en s’y soumettant pour s’en détacher de plus en plus. Car davantage qu’il travaille, le modèle devient méconnaissable. Il suit l’entrain de sa transe, le dialogue qu’il a avec son âme, l’excitation qui le pousse à développer les couleurs vives, riches.
Pour Matisse, lorsque la frontière entre le modèle et le peintre est dépassée c’est lorsque l’émotion est dépassée. En effet d’après lui, entre extériorité et intériorité il y a « l’émotion ». L’émotion est l’instant ou la chose (le modèle) cesse d’être extérieure au peintre, ou le dehors est vécu du dedans. Il dit « m’imbiber des choses, et après, ça ressort ».
Cette idée rejoint ce que questionne Kandinsky dans « Du spirituel dans l’Art, et dans la peinture en particulier » si l’expérience intérieure peut se communiquer. Ce qui me plaît chez Kandinsky c’est que d’après lui, toute création artistique est le principe de nécessité intérieure, c’est-à-dire le principe de l’entrée en contact efficace avec l’âme humaine. Pour lui l’art c’est le but de l’affinement de l’âme humaine par le biais de la couleur qui provoque une vibration de l’âme et de la forme qui est un être spirituel doué de propriétés qui s’y identifient.
Pour le citer « L’artiste qui laisse ses dons inemployés est le serviteur paresseux », « La répétition des mêmes résonnances, leur accumulation, concentrent l’atmosphère spirituelle nécessaire au mûrissement de la sensibilité (tel la serre chaude sert à porter le fruit à sa maturation la plus importante) ».
Critique aussi de Kandinsky : l’art qui en de telles périodes, a une vie diminuée et n’est utilisé qu’à des fins matérielles. Il va chercher sa substance dans la matière grossière.
Ce qui me plaît dans la peinture, d’autre part et je peux citer un livre récemment étudié qui m’a marquée : « Du narcissisme dans l’Art contemporain » de Valérie Arrault et Alain Troyas, est d’échapper à une toile vide, absorbée de toute consistance « spirituelle » si l’on valide les propos de Kandinsky.
Pour la théoricienne Valérie Arrault, l’individualisme libéral libertaire fait des dégâts dans l’art contemporain. C’est en effet le détachement total de l’emprise des idéaux classiques et de sa dimension utopique pour être libre. L’individualisme libéral libertaire est renforcé dans l’art avec les pulsions infantiles qui font œuvre d’art.
L’artiste aujourd’hui est comme le Narcisse du mythe, avec les minimalistes et les conceptuels, l’art régresse dans l’isolement, dans le vide, dans l’équivalent du moi idéal et « on peut penser à bon droit que l’art posthumain, en s’attachant à la désymbolisation des valeurs humanistes ».


Life is the process
« Doing what you love is freedom, loving what you do is happiness »